La critique d'une des idéologies du démocratisme est toujours ambiguë, car se plaçant nécessairement sur le terrain du capitalisme, donc sur une option réformiste, même si elle prend une forme radicale. En cela, tout discours est inutile, superflu. Au final, seul le mouvement historique comptera, et il se passera de nous et de nos discours, puisque nous serons morts. Ces textes ne seront plus qu'un témoignage de nos gesticulations pour comprendre par quel processus notre humanité nous échappe, et c'est très bien comme ça.
Juin 2014
MÉDIATISME
Or pour qu'un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c'est à dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible (...)
Patrick Le Lay
« Lorsque la vérité est remplacée par le silence, le silence devient un mensonge ».
"Le spectacle n'est pas un ensemble d'images, mais un rapport social entre des personnes, médiatisé par des images"...
"Là où la désinformation est nommée, elle n'existe pas. Là où elle existe, on ne la nomme pas."
Guy Debord
Les mediat seront affublés d'un "t" en hommage à la Vieille Taupe.
http://www.vieille-taupe.50webs.com/
Le médiatisme est un des nombreux masques du démocratisme.
Le démocratisme proclame haut et fort qu’il ne peut se passer d’une presse libre, alors qu’il fait tout pour la contrôler, que ce soit par la concentration des pouvoirs, la formation et le cadrage des journalistes, l’inféodation à la publicité et à l’argent roi.
La croyance en une liberté de la presse a été pulvérisée par l’arrivée d’internet, qui remet les pendules à l’heure en permettant à tout un chacun de s’exprimer à la face du monde. L’illusion d’une presse libre est passée à la moulinette de la révolution informatique.
C’est la grande peur des mediat professionnels.
Les journalistes expriment leur défiance envers toute information qu’ils ne contrôlent pas, et se lamentent de la fin du monopole de leur expression. Ils dénigrent les informations divulguées sur la toile, mais sont à la remorque des différents sites et blogs qu’ils qualifient de conspirationnistes, de propagandistes, ou tout simplement d’amateurisme.
Cependant le démocratisme spectaculaire hésite et tergiverse sur les moyens à mettre en oeuvre pour s'assurer de l'innocuité de ce bien vilain canard. Censure frontale (https://www.legrandsoir.info/un-systeme-meurtrier-est-en-train-de-se-creer-sous-nos-yeux-republik.html) ou suffocation par immersion dans un océan de mensonges ? Il semble que la solution soit momentanément un vulgaire mixte des deux.
La critique des mediat a été faite depuis longtemps, et est toujours en construction, mais son développement a atteint un pic sans précédent, dans les faits, grâce à l’internet. Les différentes tentatives de censure sont pour l'instant heureusement vouées à l’échec, et aucun retour en arrière ne sera accepté par les internautes, les possibilités techniques d'échapper à cette censure étant toujours renouvelées.
Les mediat ont franchi un saut qualificatif, les individus s'offrant eux mêmes avec enthousiasme en pâture aux manipulateurs de tout poil. Les facebook, google, amazon et autres collectionnent les données sur la population, et l'on peut prévoir sans être grand clerc que la convergence entre leurs renseignements et les instituts de sondage (par exemple), les services secrets (par ailleurs) et toutes les polices leur permet et permettra de placer les "rigth men at the right places". Les stratégies de propagande de guerre, telles que les fausses images de la Place Verte (http://www.voltairenet.org/article171460.html) visant à convaincre la population que Tripoli est déjà tombée aux mains des « rebelles », et sabrant ainsi toute velléité de résistance, sont et vont être appliquées aux démocraties (en temps de paix ou non). Brouillage des ondes, écrans de fumée, le cocktail des fausses informations est d'autant plus digeste qu'il est coproduit par les « consommacteurs » eux mêmes.
Nous assistons en parallèle à la généralisation de la propagande ingérée. En étant le vecteur de la diffusion du spectaculaire intégré, l'internaute abandonne toute distance critique face à l'inversion du réel. Il s'abandonne aux joies de l'auto-contemplation, s'invente une dissidence d'autant plus factice qu'elle restera virtuelle.
La multiplication des "youtubeurs" sur les sujets les plus dérisoires est le symptôme de notre société malade du médiatisme. Le futile prime sur l'essentiel, le futile est l'essentiel. Le divertissement submerge le vital, seul le divertissement est vital. Même le rire, jusqu'à présent défense subversive face au réel spectaculaire marchand, a été confisqué par les amuseurs professionnels grassement payés pour nous retirer cette arme ultime.
La veulerie des journaleux est sans limite. Ainsi un pays peut-il porter la guerre à l’étranger sans troubler le moins du monde l’ordonnance des grands titres des mediat. Nous n’entendrons parler des bombardements, pudiquement appelés "frappes", et de leurs effets sur les populations que par intermittence, entre un bulletin météo et un compte rendu du dernier match de foot à la con. La barbarie la plus lâche, la lâcheté la plus barbare ne feront l’objet que d’un « flash » ou d’un entrefilet, et seront justifiées par des notions telles que le droit d’ingérence, le droit humanitaire, le secours aux populations en danger etc. Le sang des victimes éclabousse les journaux, éternels soutiens d’un pouvoir sûr de lui et triomphant dans une débauche de mensonges et d’hypocrisie.
Les mediats dénoncent régulièrement ce qu’ils appellent « la pensée unique », alors qu’ils en sont le principal vecteur, et souvent le plus enthousiaste producteur. Cette dénonciation se devra d’être inversement proportionnelle à la servilité du médiat, c'est-à-dire exprimée avec d’autant plus de force que les liens avec le pouvoir (économique, politique, culturel…) sont étroits et cachés.
On peut s’étonner de la fragilité de l’édifice médiatique, confronté à la réalité. Les faits têtus n’auraient-ils plus d’incidence ? Ou l’illusion du spectacle prendrait-elle définitivement le dessus sur tout, le réduisant à rien, malgré les coups de butoir de certains ?
Cette servilité se manifeste par un unanimisme sidérant, par la production de sondages truqués, etc. La fonction des sondages n'est pas de refléter une opinion publique à un moment donné, mais de la formater sur le long terme. Quand les sondages se trompent sur les résultats de telle ou telle élection, c'est qu'ils ont failli à leur tache de fabrication de l'opinion. Ils ne se sont pas trompés, ils se sont plantés.
Alors qu’il est difficile de trouver une profession plus moutonnière, où l’auto-analyse est inexistante, l’autocritique bannie, les mediat se roulent dans la fange de la propagande dans la plus outrageuse autosatisfaction. Dans les derniers conflits en cours, certains médiats ne se sont pas contentés de refléter la position des démocraties triomphantes, mais ont collaboré effectivement avec les services secrets des puissances agressantes (https://www.youtube.com/watch?v=7cwQ0fObxng), par l’indication des positions de l’ennemi, ou pire par la pose de balises dirigeant les missiles sur les cibles choisies (Libye, Syrie, http://www.voltairenet.org/article171817.html ) Le rôle des mediat dans le démocratisme est essentiel. Sa mission est de susciter l’adhésion des foules pour les actes les plus odieux, les politiques les plus criminelles, avec une présentation schizophrénique de l’histoire, récente et ancienne. ( http://mai68.org/spip/spip.php?article8359 )Dans ce but, ses armes sont simples :
Le mensonge répété par tous et à l’infini
Le mensonge par omission, occultation des faits les plus significatifs
La mise en exergue d’événements les plus futiles, n’ayant aucune relation avec les politiques mises en œuvre.
L'organisation de l'oubli par une avalanche d'informations mineures.
La décontextualisation des faits.
Si la supercherie est dévoilée, il suffira aux journaleux d’accuser les politiques de les avoir dupé par des mensonges pour récupérer leur honneur perdu, ce qui est d’autant plus facile que les politiciens en question ne sont plus aux commandes, rangés des voitures, ou trop vieux et trop séniles pour être jugés. Est-il nécessaire de rappeler que le B.A.BA du journalisme est la vérification des sources, et leur confrontation avec la réalité des faits… Le processus se répétant systématiquement, force est de convenir qu’il ne s’agit pas d’erreurs, mais d’un système organisé, voulu, et méthodiquement appliqué .
Une des fonctions principales des mediat est de nous convaincre de notre impuissance. Le tourbillon des informations futiles, agglutinées aux catastrophes naturelles, elles mêmes se superposant aux politiques guerrières et conflits armés laissent le lecteur-auditeur-téléspectateur dans un état de sidération. Tout sortir de son contexte, affirmer le manichéisme le plus bêtifiant, inventer de toutes pièces des versions mensongères des faits sont le pain quotidien des mediat.
L'apparition des chaines "d'infos continues" est la dernière machine d'abrutissement du pouvoir. N'ayant rien à dire, elles le répètent à l'infini, pulvérisant les efforts de propagande des pires dictatures. L'effet recherché étant la sidération, l'instantanéité répétée du vide paralyse l'esprit, le prépare à ingurgiter la dernière pub, le prochain mediat-mensonge.
Les publicistes sont les derniers propagandistes du démocratisme. Les journalistes apprennent d'eux, copient leur méthodes de vente. Ils ont besoin d'eux, leurs fonctions dans le monde spectaculaire marchand se distingue à peine au point de les confondre. Leur propagande s'affiche partout, tout le temps. Elle n'est jamais remise en cause, elle est le sang du grand corps marchand. Que ce soit pour vendre des savonnettes ou une "nouvelle politique", elle est indispensable pour faire tourner la boutique. La dissolution du journalisme dans le publicisme témoigne de l'avancée du démocratisme spectaculaire ainsi que du niveau d'adhésion populaire aux nouveaux mediat.
Tout doit spectaculairement changer pour que rien ne change essentiellement.
L’endormissement de l’opinion publique, suivi du déminage des informations par un processus de lente divulgation savamment gradué dans le seul but de « vacciner » la population, permettent par la suite à la vérité des faits, impossible à cacher plus longtemps, d’éclater sans dommage pour l’oligarchie au pouvoir. Cette vérité exposée aux yeux de tous, permettra aux médiats de s’extasier sur la qualité de leur travail, sur la bonne marche de la démocratie, qui ressortira une fois de plus victorieuse de ce fatras de semi vérités triomphalement étalée.
Un bon exemple sont les attentats du 11/9 :
- une première version est servie aux médiats comme une évidence, qui l’acceptent et la soutiennent sans broncher.
-cette version est remise en cause par quelques esprits lucides.
-les médiats hurlent à l’imposture, au révisionnisme, au délire complotiste.
-l'omerta se met en place d'elle même, sans aucune directive ni censure officielle, chaque journaliste ayant bien compris que s'il voulait garder sa place, il n'était pas question de sortir des ornières.
-si un détail gênant émergeait, affirmer qu’il est connu depuis longtemps, qu’il n’entame en rien la cohésion de l’ensemble.
-devant les contradictions manifestes de la version officielle, on lâche sur quelques détails, tout en occultant l’essentiel et en injuriant les quelques malheureux anticonformistes.
-par la suite, il suffit de laisser quelques informations se répandre, en les traitant par un silence indifférent et méprisant. La pression de la cocotte minute baisse, la valeur subversive de l’information est réduite à néant, il est déjà trop tard et le terrain est déminé, le flot des nouveaux mediat-mensonges ayant depuis longtemps pris le pas sur les demi-vérités avariées qui fuitent inévitablement.
-affirmer qu’il est impossible de démêler le vrai du faux, organiser le sentiment d’impuissance et se réjouir de la dernière victoire du PSG.
Le mediatisme se nourrit de sa propre chair. Le renvoi d'ascenseur, l'autopromotion, l'esprit de cour, le fayotage en tout genre sont la règle. La connivence mainte fois dénoncée avec le pouvoir économique et politique ne perturbe en rien la logique de l'information biaisée. Le journaliste dépend de son rédac-chef, qui ne doit pas déplaire à son patron de presse qui doit satisfaire ses actionnaires. Prière de bien mixer avec quelques intérêts publicitaires bien placés, quelques lobbies ayant droit de vie et de mort sur la presse, et voilà nos faiseurs d'opinion armés pour nous servir notre soupe quotidienne. La chaîne des intérêts est bien en place, verrouillée à double tour, (http://www.monde-diplomatique.fr/cartes/ppa#&gid=1&pid=1), nul besoin de comploteur en chef, d'organisateur suprême pour le bon fonctionnement de la machine. On veillera seulement à couper une tête de temps en temps de manière à ce que chacun comprenne bien où est sa place.
Les mediat fanfaronnent, jouent à dénoncer le capitalisme, se piquent de subversion et se félicitent de leur intrépide témérité. Mais la dénonciation n’atteint jamais le coeur du coeur, n’explique le monde que par de méchants exploiteurs qui abusent de gentils ouvriers. Ils ne peuvent comprendre le monde marchand que sous l’angle de la moralité, sans jamais saisir les mécanismes profonds qui sous-tendent la logique impérieuse du profit et de l'extension à l'infini du domaine marchand.
Le feraient-ils que leur discours serait taché d’insignifiance, d’impuissance. Seul le mouvement autonome de l’abolition du spectacle marchand nous réconciliera avec notre humanité, balayant l’Histoire pour nous confronter au réel. Ce qui signifie que tout discours, en dernière analyse, se révèle comme futile, inopérant, tant qu’il n’est pas rejoint par la réalité en marche, dans la mesure où cette réalité en marche abolira la pertinence des analyses et les dénoncera en tant qu’activité séparée, et donc séparante, de notre toute nouvelle unité humaine.
A suivre.
Il va sans dire que les écrits ici exposés, en tant que modeste contribution à l’expression d’une perception de la réalité du moment, peuvent être copiés, cités, déformés, utilisés. Ils sont mis à la disposition de ceux qui y trouvent un intérêt, ni plus ni moins. En cela, ils n'ont aucune valeur marchande et n'appartiennent qu'à ceux qui en prennent possession. Ils ne se conçoivent que dans l'anonymat, non parce que l'auteur ne les assume pas, mais parce ce travail ne peut être compris que comme une évidence.